« Les concepts ne sont pas des choses ; à certains égards, ce sont des armes. En tout cas des outils avec lesquels les contemporains, mais aussi les historiens, s’efforcent de faire prévaloir une mise en ordre du réel et de faire dire au passé sa spécificité et ses significations. »
Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, 1996, Paris, Éditions du Seuil, p. 143.
Par ces termes, l’historien Antoine Prost touche un point épistémologique sensible mais tout autant crucial dans les sciences humaines et sociales ; à savoir la définition de ce qui est au cœur de ces dernières : les concepts et leur maniement. Associés tantôt à des armes, tantôt à des outils, ils sont bel et bien perçus comme des éléments spécifiques à ces sciences mais dont les usages les dépassent largement puisqu’ils permettraient une « mise en ordre du réel », entendue ici comme une meilleure compréhension de nos sociétés et des événements qui font notre temps, et de « faire dire au passé sa spécificité et ses significations », leur accordant par la même occasion une véritable plasticité intemporelle.
Vous l’aurez compris, c’est dans ce contexte tumultueux que s’insère la démarche conceptuelle de ce Hors-série. Il n’a pas pour volonté de proposer des définitions arrêtées des concepts, cela reviendrait à rejoindre l’hypothèse de Durkheim et à confirmer l’association entre travaux universitaires et réification. Au contraire, il a pour ambition de dynamiser une réflexion sur l’utilisation de ces derniers, sur leur usage, leur manipulation, leur mise en valeur. Chères lectrices, chers lecteurs, je vous souhaite un agréable voyage au cœur de cette expérience scientifique par le prisme des sciences humaines et sociales, celle du monde des concepts et de leur utilisation. J’espère que cette visite sera riche d’éclaircissements, synonymes d’apprentissages, et qu’elle démontrera l’importance de ce procédé qui permet et fonde des mises à distance critiques.